Denak Argian, note revue de Doyenné, a posé trois questions au Cardinal Roger Etchegaray, qui pendant plus de vingt ans, collabora auprès de Jean-Paul II. Nommé à la tête de deux ministères du Vatican (Justice et Paix et Cor Unum), il fut choisi par le pape polonais pour les missions spéciales les plus secrètes et délicates. De 1979 à 2005, il a effectué des dizaines de voyages. C’est lui qui fut envoyé chez Fidel Castro à Cuba, en plein génocide au Rwanda, dans Jérusalem en crise, au cœur de la Chine communiste, ou auprès de Saddam Hussein ou Arafat Il fut aussi le délégué spécial du pape pour l’organisation de la rencontre inter-religieuse de prière pour la paix d’Assise en 1986, et pour l’animation du Grand Jubilé de l’an 2000. Aujourd’hui, âgé de 95 ans et retiré à Cambo-les-bains, il a accepté de nous répondre.
Éminence, Lorsque le pape Jean-Paul II vous confiait une mission pour le service de la paix, à quoi pensiez-vous pour vous préparer à cette mission?
-C’est la prière ! A condition que la prière que je dois formuler à Dieu soit une prière conforme à ce que Dieu attend de moi. Un prêtre, un évêque, et même un pape sont appelés à répondre au plus haut sommet des attentes de Dieu, parce que Dieu est paix, j’allais dire dans sa nature même. Il ne peut être que paix, malgré tout ce qu’on peut écrire par ailleurs, et alors c’est important que la paix de Dieu transparaisse dans ce que fait le pasteur, ce que fait le religieux, ce que fait tout homme de bonne volonté.
Lorsque vous vous déplaciez dans des zones de tensions et de conflits, que désirait votre coeur de croyant et de pasteur dans les rencontres que vous faisiez ?
-Je crois que quand j’ai devant moi quelqu’un, quel qu’il soit, quel que soit son passé, que je n’ai pas à juger d’ailleurs, celui qui est devant moi, et qui est en principe opposé ou en conflit, qu’il puisse au moins se faire accueillant à la réponse de Dieu. C’est très important parce que Dieu n’est pas connu. Dieu a besoin d’un message pour tout homme de bonne volonté. Et ça, nous pouvons et nous devons le donner à tout prix, c’est notre devoir. Et j’ai confiance. Je suis un homme qui garde avant tout la confiance et l’espérance. Mais pas une espérance verbale, pas une espérance facile, mais une espérance qui s’assure sur la vie, et la vie de tous les jours, parce qu’on n’est pas pour la paix au moment des conflits, mais c’est toute notre vie qui doit être ouverte à la paix.
Que préconisez-vous, lorsqu’un pas a été fait dans un processus de paix, pour marcher solidement vers le bien, la justice et la paix pour tous?
-De mieux se connaître. Je souhaite que les hommes qui se voient très peu parce qu’ils ne sont pas du même esprit, des fois même de la même idéologie, admettent que la Parole de Dieu soit une parole qui apporte la paix. Rien ne remplace les paroles de Dieu dans la vie des hommes, mais pour cela il faut avoir un climat de prière, de confiance en Dieu car Dieu seul est le vrai maître de la paix. Priez pour moi, comme je vais, dès ce soir prier pour vous et pour votre communauté !