Qui ne connait le pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle, tant par son historicité que par son succès aujourd’hui, à telle enseigne que les itinéraires français et espagnols ont été déclarés en 1987 « premier itinéraire culturel » par le Conseil de l’Europe.
Depuis 2013 pas moins de 200 000 pèlerins le réalisent chaque année avec un taux de croissance de 10% par an, mis à mal cette année il faut bien le dire par la conjoncture que nous connaissons. (ndlr : Covid19)
La tradition veut que l’apôtre Jacques soit venu prêcher la parole du Christ dans la péninsule ibérique. De retour en Palestine, décapité sur ordre du roi Hérode Agrippa, sa dépouille recueillie par ses compagnons fut mise sur une embarcation qui guidée par un ange (et de subtils courants marins) aurait franchi le détroit de Gibraltar avant de s’échouer sur les côtes de Galice. L’emplacement du tombeau fut perdu jusqu’à ce qu’au 9ème siècle un ermite du nom de Pelagius ait, pendant son sommeil, une révélation qui le guida par une pluie d’étoiles jusqu’à un lieu où il découvrit le tumulus. Cet endroit fut nommé « Campus stellae » ou le « Champ des étoiles » devenu par la suite « Compostelle ».
Ce qui est sûr, c’est qu’à partir du 11ème siècle l’endroit devint un lieu de pèlerinage majeur pour la chrétienté occidentale, au même titre que Rome et Jérusalem. Atteignant son apogée au 13ème siècle, il périclita par la suite sous les coups des vicissitudes de l’histoire pour connaitre une renaissance spectaculaire au milieu du 20ème siècle et susciter un intérêt qui ne se dément pas aujourd’hui, à telle enseigne que le Pape Jean-Paul II en 1982 vint en pèlerin à Saint Jacques et lança un appel à l’Europe pour « retrouver les valeurs authentiques qui couvrirent de gloire son histoire ». Il y retourna en 1989 dans le cadre des 4èmes journées mondiales de la jeunesse.
Située sur la route côtière dite « basse », Donibane Lohitzun n’en constitua pas moins une étape importante au même titre que Bayonne, Ciboure ou Hendaye. Certaines sources font mention de l’existence d’un hôpital accueillant mendiants et pèlerins sur les hauteurs de l’actuel quartier de Chantaco où l’on pouvait franchir la Nivelle à gué. Du reste ce nom, disent-elles, proviendrait de déformations successives de « Santiago ».
Avec davantage de certitudes, on peut mentionner l’existence d’un autre établissement dans le quartier de la Barre qui fut par la suite cédé au 17ème siècle à des Ursulines qui le transformèrent en couvent (elles ne firent certainement pas une excellente affaire puisqu’il fut par la suite englouti par les flots ainsi que la majeure partie du quartier). Cette localisation était liée à la construction d’un pont de bois qui se trouvait vraisemblablement dans le prolongement de l’actuelle Place Louis XIV.
Quittant donc le quartier de la Barre, un nouveau centre d’accueil fut érigé à l’autre extrémité de la plage (au lieu de l’actuel casino) et fut rasé en 1924.
L’actuelle rue Saint Jacques devrait également son nom au passage de ces milliers de pèlerins dont la magnifique statue polychrome, qui se trouve à la salle du Conseil de la mairie, nous donne l’image.
Vous aurez donc compris qu’en choisissant délibérément de consacrer une part importante de la restauration de Sainte Élisabeth à l’aménagement d’un gite d’accueil pour les pèlerins de Saint Jacques, l’Association propriétaire Saint Jean Baptiste s’inscrit pleinement dans le patrimoine historique de la cité, dans la réalité d’aujourd’hui et probablement dans celle de demain. L’accueil de ces voyageurs intemporels à la recherche de spiritualité perpétue une tradition vieille maintenant de 10 siècles.
Certes par le passé leur présence n’a pas toujours été saluée positivement. C’est ainsi que déjà au Moyen Age la coutume voulait qu’on ne tolérait pas leur présence plus de trois jours. « Arraina eta arrotza, hiru egunen buruan katarez, kampora deragotza » disait l’adage (« Le poisson et l’hôte sentant mauvais au bout de trois jours, sont à jeter dehors ». L’autochtone regardait souvent passer le nomade avec méfiance en souhaitant surtout qu’il ne s’arrête pas. Le dicton « zertako kaminuak… eskaleak ekartzeko » (« pourquoi les chemins… pour amener les mendiants » traduit bien cet état d’esprit. Pour leur part les pèlerins n’étaient pas toujours très tendres, c’est ainsi qu’Aymery Picaud écrit dans son « Guide du pèlerin au 12ème siècle » : « Pour un sou seulement le Navarrais ou le Basque tue, s’il le peut, un Français ».
Les temps ont bien changé depuis, les humeurs se sont apaisés et les orages ne grondent plus (du moins, espérons-le). Les locaux mis à la disposition de nos hôtes sont de qualité, preuve, s’il en est, du respect que nous leur manifestons. Gageons qu’ils seront d’accord avec ce qu’écrivait Georges Martin prêtre de Rouen qui pérégrina au 17ème siècle « Dans les deux plus beaux bourgs d’Europe, à savoir Saint Jean de Luz et Ciboure, habités par les Basques, gens des plus civils, charitables et courtois du monde ».
Louis Elissalt